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Christian Thomsen

Journal du temps de l’épidémie (30)

Mercredi 22 avril, sixième semaine de confinement

Une étude menée par un chercheur de l’Institut Pasteur indique que seulement 5,7% de la population française a été contaminée par le SARS-CoV-2, le virus du Covid-19. C’est tellement peu que l’idée d’une immunité collective obtenue quand 60 à 70% de la population serait immunisée s’éloigne à grands pas.

La carte des pays contaminés montre de grandes disparités : peu de cas en Afrique du Nord, pratiquement pas au Sénégal ; peu de cas en Amérique du Sud. Peut-être est-ce un effet des températures plus élevées en ce moment dans ces pays ? Ou d’un système sanitaire moins performant ?

Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale, nous explique que les écoles rouvriront en trois étapes, les 11, 18 et 25 mai (soit quelques jours avant le grand week-end de la Pentecôte). Les enfants ne devraient pas être plus de 15 par classes. Tout cela risque d’être un sacré casse-tête, surtout si les syndicats d’enseignants s’en mêlent.

Les lieux de culte des quatre religions pratiqués en France n’accueilleront pas de fidèles avant la mi-juin. On nous montre Emmanuel Macron en visioconférence avec le Pape François.

Au travail, l’activité reprend petit à petit par le biais des urgences, un peu plus nombreuses ces jours-ci. J’ai opéré ce matin (une intervention assez importante), et j’attends ce soir pour pouvoir opérer une bricole. Entre temps, le bloc n’a pas arrêté de tourner, mais avec un nombre de salles d’opération limité. Et moi j’aurais attendu toute la journée entre deux interventions. Heureusement que j’ai l’écriture de ce Journal pour m’occuper !

Les Carnets de la drôle de guerre posent une question essentielle, qui passionne le médecin que je suis : « Faut-il faire des essais contrôlés en situation d’urgence ? » Je vais essayer d’approfondir ce sujet, ne serait-ce que pour expliquer à mes lecteurs pourquoi je m’acharne contre le Pr Raoult, d’une manière qui pourrait sembler peu objective, voire presque méchante. Qu’on se rassure, je n’ai rigoureusement aucun a priori contre cette star de la virologie française.


C’est Adrien Barton qui répond à cette question. Il est docteur en philosophie des sciences, chargé de recherche en informatique de la santé à Toulouse et à Sherbrooke, au Québec. Voici ce qu’il a à nous apprendre : « Contre le Covid-19, certaines études préliminaires ont suggéré une potentielle efficacité de l’hydroxychloroquine. Plusieurs essais cliniques contrôlés ont d’ailleurs lieu en ce moment à travers le monde pour déterminer si un tel traitement serait effectivement bénéfique. En plus de fournir des soins standards à tous les participants, ces essais comparent l’effet de deux traitements (ou plus), ou d’un nouveau traitement et d’un placebo, sur différents groupes de patients comparables, répartis aléatoirement. Ces procédures sont devenues l’une des méthodes de référence en recherche médicale. (…) Mais ces essais contrôlés ne résultent pas d’une lubie administrative !Car les traitements envisagés contre le Covid-19 ont des effets secondaires, rares mais sévères, notamment pour les populations les plus vulnérables face à la maladie. Nous ne pouvons pas savoir, actuellement, si la létalité du traitement est inférieure à celle de la maladie, dont la grande majorité des gens guérissent spontanément. » On voit apparaître ici la fameuse balance bénéfice/risque, qu’il faut évaluer le plus précisément possible avant de préconiser un traitement. Exemple : « Un essai contrôlé a montré en 2004 que la pratique médicale qui consistait à administrer des corticoïdes en cas de traumatisme crânien augmentait, contre toute attente, le risque de décès. »


Notre philosophe poursuit en rappelant que : « moins de 20% des projets de développement médicamenteux pour des maladies infectieuses sont finalement approuvés. À l’heure actuelle, la communauté médicale est donc incertaine : elle ne sait pas de quel côté penchera la balance bénéfice/risque des traitements envisagés pour le Covid-19. Cet état d’incertitude communautaire est ce que le bioéthicien canadien Benjamin Freedman a appelé l'«équipoise clinique » une situation qui requiert précisément des études plus rigoureuses, telles que des essais cliniques contrôlés, pour déterminer si certains de ces traitements seraient d’avantages bénéfiques que nuisibles. » Cette notion d’équipoise clinique est explicitée dans un texte publié par la philosophe Juliette Ferry-Danini, intitulé « Petite introduction à l’éthique des essais cliniques », que je me propose de résumer dans un prochain billet de ce blog intitulé Philosophie des essais cliniques.


Adrien Barton poursuit son raisonnement : « Supposons maintenant que malgré une situation d’équipoise clinique, un médecin-chercheur R pense à titre personnel qu’un traitement T facilement disponible est le plus bénéfique contre une certaine maladie. D’un point de vue éthique, devrait-il traiter tous ses patients avec T plutôt que de réaliser un essai clinique contrôlé ? Même s’il pense, contre la majorité de la communauté médicale, que ce traitement est efficace, cette décision ne va pas de soi pour deux raisons. 


La première raison apparaît dans les cas où l’épidémie est partie pour durer, ce qui semble malheureusement le cas aujourd’hui. En effet, mettre en place un essai clinique contrôlé lorsque la communauté est dans une situation d’équipoise clinique permettrait de mieux déterminer si la balance bénéfice/risque de T est favorable. En administrant T à tous ses patients plutôt qu’en réalisant un essai contrôlé, R se prive de la possibilité de produire une connaissance publique convaincante pour ses pairs, qui pourrait éventuellement leur permettre de sauver collectivement un grand nombre de vies. Il est communément admis qu’un médecin a des obligations éthiques plus fortes envers son patient qu’envers un individu quelconque ; mais pour justifier sa décision, R devrait considérer que ses obligations éthiques envers l’ensemble de ses patients sont supérieures à ses obligations éthiques envers l’ensemble du reste de l’humanité. Ce n’est pas une position éthique impossible, mais elle est pour le moins radicale et discutable.


La deuxième raison, c’est que l’éthique médicale met en balance le principe de bienfaisance, qui enjoint au médecin de faire ce qui est bénéfique pour ses patients, et le principe de non-malfaisance, qui enjoint de ne pas leur nuire. Or, notre société accorde généralement une place plus importante au principe de non-malfaisance, comme l’indique l’expression latine primum non nocere – « avant tout, ne pas nuire ». La population risque de perdre confiance en la communauté médicale si on lui administre un traitement dont on montre a posteriori qu’il était nuisible. On pourrait discuter du niveau auquel le principe de non-malfaisance devrait être privilégié par rapport au principe de bienfaisance. Mais si R accorde une forte importance au principe de non-malfaisance, alors il doit être fortement convaincu que T est globalement bénéfique, et non pas en avoir une simple présomption. Autrement, sa décision d’administrer le traitement T à tous ses patients ne serait pas en accord avec ses propres valeurs éthiques.


En résumé, il reste éthiquement souhaitable de réaliser des essais cliniques contrôlés dans de nombreuses situations d’urgence sanitaire, où la communauté médicale reste incertaine sur l’efficacité d’un traitement. Par ailleurs, même si un médecin-chercheur pensait, dans un tel scénario, que ce traitement médical est bénéfique, il aurait besoin d’accepter des principes éthiques peu intuitifs pour justifier l’administration de ce traitement à tous ses patients. »

Une petite précision : dans le papier cité, le médecin que j’appelle « R » est nommé  « M ». R m’a semblé plus en adéquation avec le sujet dont tout le monde parle. J’espère que mes lecteurs comprendront pourquoi il reste nécessaire de faire des essais cliniques contrôlés en situation d’urgence. Ce n’est pas qu’une question de respect des procédures, comme beaucoup le pensent. Le problème se poserait différemment si on se trouvait face à une maladie extrêmement létale, où il pourrait être licite d’utiliser ce que l’on appelle, de façon un peu étrange, des « protocoles compassionnels », avec l’argument, non recevable dans le cas du Covid-19, que « foutu pour foutu, pourquoi ne pas essayer le traitement du Pr R. » ?


Jeudi 23 avril

Une petite remarque liminaire, qui valide l’impression que le « tout sanitaire » est devenu notre quotidien : depuis quelques années, il n’est plus d’usage de se souhaiter mutuellement une bonne (ou belle) journée (ou une bonne ou belle partie de journée, notamment la soirée), comme nous l’avons toujours fait ; à la place de ce sympathique souhait, on nous suggère de plus en plus de « prendre soin de nous », version douce, ou encore, plus fermement cette fois-ci, de « prendre bien soin de nous », en appuyant sur le « bien ». Ce tic de langage, tout droit venu de la culture anglo-saxonne (take care of you), a tendance à m’agacer fortement. Une formule de politesse reste une figure de style, et il ne me semble pas utile d’y insuffler une quelconque empathie surjouée, sauf si l’on s’adresse à quelqu’un de proche.

Ce matin j’ai noté quelques chiffres pour les retranscrire ici.

Le déficit de la Sécurité sociale va atteindre le record abyssal de 41 milliards d’euros, dans la version optimiste, celle dans laquelle toutes les cotisations patronales seraient payées. En 2008, en pleine crise financière, ce déficit avait déjà atteint 21 milliards d’euros, ce qui, à l’époque, avait semblé considérable.

Le nombre de décès est de 21 340, dont 544 ces dernières vingt-quatre heures. Le nombre de patients sortis guéris de l’hôpital grimpe à 40 657, et celui des patients hospitalisés en réanimation baisse à 5218.

Un mathématicien dont j’ai oublié le nom fait un petit topo très intéressant et surtout très clair, que je vais tenter de résumer avec la même clarté. Il s’agit du fameux « taux de reproduction de base », également appelé R0, pour une raison que je n’ai pas bien comprise. Je n’ai pas compris non plus comment on le calcule. Mais j’ai bien compris que ce qui compte, c’est l’évolution de ce R0. Au début de l’épidémie, il était aux alentours de 3, ce qui veut dire que 1000 personnes porteuses du virus en contaminaient 3000, lesquelles en contaminaient 9000, puis 27000, et ainsi de suite, d’où le caractère galopant car exponentiel de l’épidémie. Actuellement il est à 0,5, ce qui veut dire que 1000 personnes atteintes en contaminent 500, puis 250 et 125, et ainsi de suite. C’est la décroissance, ou le reflux, appelons ça comme on veut. Entre la montée et la descente on a eu un plateau, pendant lequel le taux R0 était aux alentours de 1.

Les raisons de cette décroissance tiennent en quelques mots : confinement avant tout, mais aussi mesures-barrières et distanciation sociale. Une projection mathématique a montré que, sans confinement, le nombre de patients qui auraient dû être hospitalisés en Réanimation serait actuellement de 15 000, ce qui dépasserait largement nos capacités d’accueil (contrairement à celles de l’Allemagne et ses 28 000 lits de réa). Quand le déconfinement va commencer, il devra être remplacé par l’isolement strict des individus contaminés, qu’ils soient malades ou asymptomatiques, et qu’il faudra donc avoir testés. Les autres mesures resteront d’actualité, et devront même être renforcées puisqu’elles seront la seule arme disponible contre le virus. C’est la raison pour laquelle l’Académie de médecine, par la voix de son Président Jean-François Mattei, prône le port obligatoire du masque dans l’espace public à partir du 11 mai. Mais cette proposition n’a pas été retenue par l’exécutif, du moins pas encore. Toutes ces mesures sont destinées à éviter le redémarrage de l’épidémie avec le déconfinement. Notre mathématicien préfère parler de redémarrage plutôt que de deuxième vague, car cette dernière expression qu’on entend en boucle laisse penser que la première vague serait passée quand la deuxième entrerait en action, ce qui ne correspond pas à la réalité. Il me semble que le mot « réplique », utilisé lors des tremblements de terre, pourrait être plus approprié à la situation sanitaire.

Un mot sur l’actuel Président de l’Académie de médecine. Tout le monde devrait se souvenir qu’il était ministre de la Santé au moment de la canicule de 2003, et qu’il s’était totalement décrédibilisé politiquement en donnant une interview télévisée en tenue d’été dans sa résidence de vacances, au lieu d’être sur le pont, en tenue de travail dans son ministère. Ce fut la fin de sa carrière politique, mais manifestement pas celle de la course aux honneurs médicaux.

Les Carnets de la drôle de guerre donnent la parole à la spécialiste du féminisme Manon Garcia, qui décrypte la manière dont le confinement mettrait au jour, selon elle, l’assignation des femmes aux tâches domestiques et aux fonctions soignantes. Cette philosophe féministe, chercheuse à Harvard, a publié en 2018 On ne naît pas soumise, on le devient. Elle répond aux questions de Naomi Hytte.

Question : « Peut-on espérer que les hommes confinés prennent davantage conscience de la charge mentale liée au travail domestique ? »

Réponse : « Nous n’avons pas encore de statistiques sur le sujet, mais j’entends plutôt des témoignages d’hommes excédés par le bruit des enfants, qui réclament de l’espace et du calme pour travailler. Et beaucoup moins d’hommes qui disent réaliser qu’ils n’en faisaient pas assez au niveau du travail domestique. (…) Avant le confinement, on entendait beaucoup que les inégalités domestiques s’expliquaient par le travail des hommes, que les hommes participeraient davantage aux tâches domestiques s’ils en avaient le temps. (…) On ne peut plus expliquer ces inégalités autrement que par la domination patriarcale, et c’est ce qui les rend beaucoup plus violentes : il n’y a plus la moindre excuse pour justifier l’assignation des femmes au travail domestique. »

Question : « Le confinement risque-t-il de peser davantage sur les trajectoires de carrière des femmes que sur celles des hommes ? »

Réponse : « Il va effectivement avoir un impact différencié sur les carrières des femmes et celles des hommes. Un décret permet à l’un des conjoints de passer en chômage partiel pour assurer la garde de ses enfants. Or, statistiquement, les femmes sont moins payées et sont davantage en travail partiel que les hommes : ce peut donc être un calcul rationnel pour la famille de décider que ce soit la femme qui passe en chômage partiel. (…) Puisque les femmes auront été amenées à être moins productives que les hommes durant ce confinement, elles seront ensuite moins promues. »

Question : « Doit-on donc craindre un recul de la place des femmes dans l’espace public ? »

Réponse : « Une disparition des femmes de la sphère publique me semble impensable : l’égalité hommes-femmes a fait un pas qui ne pourra pas être effacé. La prise de conscience des inégalités de genre au sein de la jeune génération est telle qu’il serait impossible de revenir en arrière. (…) Certaines choses ne passent plus : par exemple les plateaux télé exclusivement composés d’experts masculins. »

Question : « Le confinement vire au cauchemar pour les femmes victimes de violences. Comment l’expliquez-vous, et quelles mesures les pouvoirs publics devraient-ils mettre en place selon vous ? »

Réponse : « Encore une fois, ces faits viennent révéler combien la domination masculine est vivante et vivace. (…) Il faut arrêter de penser que les violences envers les femmes sont toujours le fait des Autres, des racisés, des fous, des pauvres, etc. Des hommes frappent dans tous les milieux sociaux, et nous connaissons tous un homme qui frappe sa femme, même des femmes indépendantes, jeunes et féministes. Cette violence est le résultat des normes de la masculinité et repose sur l’idée que les femmes sont des punching-balls, des défouloirs, pour les hommes. (…) En revanche, je ne crois pas du tout à l’initiative d’une hotline pour les hommes violents lancée par le gouvernement, parce que la grande majorité de ces hommes pensent être dans leur bon droit. Cette idée est même délirante quand on pense que les numéros d’aide aux femmes victimes de violence manquent de moyens. L’urgence aujourd’hui n’est pas de s’adresser aux hommes mais plutôt d’aider les femmes. Malheureusement, la seule véritable solution pour elles me semble être le déconfinement. »

Question : « Le confinement suspend temporairement l’omniprésence du regard masculin porté sur le corps des femmes. Peut-on espérer une certaine émancipation à l’égard de ce qu’on appelle le « male gaze » ? » (Le « male gaze », ou regard masculin, désigne le fait que la culture visuelle dominante imposerait au public d'adopter une perspective d'homme hétérosexuel.)

Réponse : « C’est possible en effet. Sur les réseaux sociaux, beaucoup de femmes affirment vouloir changer des choses après le confinement : ne plus mettre de soutien-gorge, ne plus se maquiller ou au contraire se maquiller comme elles l’entendent, ne plus porter de jeans inconfortables. Les femmes prennent conscience de tous les efforts qu’elles font au quotidien pour obéir à une certaine idée de la féminité. (…) Avec cette prise de conscience nouvelle, il est possible que ces habitudes changent. »

Question : « On assiste aujourd’hui à une revalorisation sociale de professions majoritairement occupées par des femmes. Peut-on en espérer une nouvelle échelle de valeurs moins dominée par des valeurs virilistes ? »

Réponse : « Ce serait souhaitable, mais je pense qu’il n’y a aucune chance. À court-terme, il y aura davantage d’investissement dans l’hôpital ; mais je ne pense pas qu’on puisse en espérer une réelle revalorisation du travail du care. (…) Prendre ces métiers au sérieux suppose une prise de conscience profonde des inégalités de genre, de classe et de race : je ne pense pas que la crise actuelle suffira. Après la crise, les gens risquent d’oublier l’importance de tous ces métiers. »

Question : « Simone de Beauvoir nous avertissait « qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question ». Devons-nous craindre aujourd’hui un recul des acquis féministes ? »

Réponse : «  Il existe toujours un risque de voir les acquis du féminisme remis en question, comme le montre aujourd’hui l’exemple de l’avortement. Mais ce risque n’est pas le même partout. (…) Je pense aussi qu’il y a des choses sur lesquelles il sera impossible de revenir, comme la place des femmes dans l’espace public. Et les jeunes générations me donnent de l’espoir : elles me semblent moins prêtes à faire des concessions que la mienne. » Précision : Manon Garcia est née en 1985.

Pour terminer cette journée, un reportage nous montre la dureté du confinement en Inde, pays qui, on le sait, considère que les femmes n’ont pas la même valeur que les hommes, au point que la naissance d’une fille est toujours une mauvaise nouvelle pour une famille. Certaines d’entre elles sont entassées dans de minuscules appartements insalubres, sans aucune possibilité d’en sortir.

Après quoi, M. et moi regardons sur Arte la première partie de la minisérie dont tout le monde parle, intitulée Dérapages, avec Éric Cantona dans le rôle principal du chômeur de longue durée qui va gravement déraper (« déraper grave » diraient les jeunes) pour obtenir l’emploi qu’il convoite. J’en rendrais compte demain, quand je l’aurai vue.


Abbaye de Sénanque

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