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Christian Thomsen

Vaincre les épidémies (4)

Dernière mise à jour : 19 déc. 2020

Chapitre 4 : la fin du confinement


En cette fin du mois de novembre, la France, reconfinée depuis un mois, est suspendue aux lèvres d’Emmanuel Macron qui annonce à la télévision les modalités de l’allègement du confinement. Le précédent déconfinement ayant été, de l’avis unanime, un fiasco, la règle tacite est de ne pas utiliser le mot déconfinement, synonyme de relâchement. Le Président, relayé quelques jours plus tard par le Premier ministre, nous explique que le retour à la normale se fera en trois étapes, la première avec la réouverture des commerces dits « non essentiels » le dernier week-end de novembre. Quant au « black friday », prévu pour le vendredi 27, il est reporté au vendredi suivant, grâce à l’activisme de Bruno Lemaire, ministre de l’Économie, qui a obtenu cette concession de la part d’Amazon. On sait à quel point la notion de commerce non essentiel a pu heurter certains commerçants, comme les libraires. Dans ma petite cité bourguignonne la librairie de centre-ville, que je fréquente assidûment en temps normal, est voisine d’un chocolatier qui a pu rester ouvert, en tant que commerce de bouche. Un esprit malin en déduirait qu’il est plus essentiel de manger du chocolat (certes doté de vertus antidépressives) que de lire des livres. Cela dit ma libraire, adepte du click and collect, a pu me commander les livres que je souhaitais lire, et que je suis allé chercher sans pénétrer dans la boutique. Il existe quelques équivalents français de cet anglicisme, que les Québécois, ardents défenseurs de la langue française, utilisent, notamment « cliqué-retiré » ou « ramassage en magasin ». Pourquoi n’en faisons-nous pas autant ?

Par ailleurs il sera possible, dès ce week-end, de s’absenter de chez soi pendant trois heures, dans un rayon de 20 km. La pratique du golf redevient donc possible, mais le parcours le plus proche de chez moi est à plus de 20 km. Tant pis pour moi. À moins que je ne désobéisse, ce qui ne me ressemble pas vraiment ? C’est ce qu’a choisi de faire Sven Ortoli, un des rédacteurs de la Lettre de Philosophie magazine, qui nous raconte qu’il a cessé de remplir son attestation car ce geste lui est devenu insupportable. Je peux le comprendre, même si la remplir sur son portable est une formalité bien légère. Mais, pour lui, cela tourne à la question de principe.

Et en Suisse, que nous dit Didier Pittet à partir du 16 avril ?

Alain Berset

Jeudi 16 avril

Alain Berset annonce le plan de déconfinement suisse, qui se fera en trois étapes, du 27 avril au 8 juin. D. P. admire une phrase de cette allocution, que j’avais déjà pointée dans mon Journal du temps de l’épidémie : « Nous souhaitons agir aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire ».


Vendredi 17 avril

Nous assistons à la chute des États-Unis où Trump supporte les anti-confinements dans ses tweets. Une telle attitude ne peut être que délétère.

Quel sens de la litote !


Samedi 18 avril

Je regarde plusieurs fois une vidéo hilarante où on voit le ministre de la Santé français Olivier Véran déclarer : « C’est le confinement qui provoque la circulation du virus. » En vérité, cette phrase a été citée hors contexte, mais que ça me fait du bien de rire !


Dimanche 19 avril

Une chaîne de restauration à emporter offre des masques lavables à ses clients. Demain, les masques estampillés avec les logos des plus grandes marques pulluleront. Tout devient covid compatible.

D. P. réprouve ces initiatives à visée commerciale rappelant la notion orwélienne de common decency, la décence commune, qu’elles lui semblent bafouer.


Mardi 21 avril

Grande victoire pour la task force (la force opérationnelle mise sur pied par D. P. et ses amis et collaborateurs) : le Boeing de la Swiss qu’elle a affrété revient de Chine avec 5 millions de masques et du matériel médical. D. P. résume avec beaucoup d’efficacité pourquoi il faut porter un masque quand le respect de la distanciation physique n’est pas possible : « Je porte un masque pour te protéger. Tu portes un masque pour me protéger. » Jolie formule.


Mercredi 22 avril

D. P. nous parle rétrospectivement d’une patiente californienne tombée malade fin janvier sans avoir voyagé, décédée le 6 février. Ce cas confirme que le virus circulait sur le territoire américain depuis le début de l’année.


Jeudi 23 avril

D. P. évoque Donald Trump et son idée hallucinante d’injecter du désinfectant dans les veines, séquence qui, on s’en souvient tous, avait provoqué un fou rire planétaire. Toujours aussi pondéré, D. P. écrit : Cet homme est irresponsable. Il nous fait du mal. Et il rappelle le refus du président américain de soutenir l’initiative franco-allemande de financer la recherche d’un vaccin accessible pour tous. Rétrospectivement on ne peut guère le lui reprocher, puisque deux laboratoires américains ont été les premiers, dans les pays occidentaux du moins, à annoncer en novembre la mise au point de vaccins très efficaces, du moins sur le papier. Ils seront très bientôt disponibles dans le monde entier, mais à des prix qui ne les rendront pas accessibles à tous.


Vendredi 24 avril

Certains gouvernements envisagent de donner des passeports d’immunité aux anciens malades, les autorisant à ne pas respecter les règles de confinement.

D. P. désapprouve cette idée.


Dimanche 26 avril

Didier est scandalisé par les menaces de mort que reçoit, en Allemagne, son ami Christian Drosten, qui a préconisé très tôt le confinement. Il en parle en ces termes : C’est un gars extraordinaire, généreux, courageux, et on vient le persécuter parce qu’il défend son pays et en fait un exemple pour le monde. Nous avions vu des images assez surprenantes de manifestants allemands anti-masques, mais j’ignorais ces menaces de mort terrifiantes.


Lundi 27 avril

C’est le grand jour, le début de la première phase du déconfinement. La létalité en Suisse est alors de 3,9 morts par million d’habitants, quasiment au même niveau que l’Autriche et l’Allemagne quand ces pays ont commencé à déconfiner ; la France est à 6,4. D. P. évoque les données françaises de l’Insee, qui indiquent une surmortalité de 24% par rapport aux mois de mars et avril des années précédentes. C’est pour lui la preuve indiscutable des ravages causés par le coronavirus, d’autant que cette surmortalité est constatée dans tous les pays.

La phrase désormais culte d’Alain Berset, Agir aussi vite que possible, mais aussi lentement que nécessaire, se retrouve sur des tee-shirts vendus par une association caritative.


Mardi 28 avril

D. P. évoque longuement le plan de déconfinement français, qui débutera le 11 mai. Il précise que la crise sanitaire aurait coûté entre 600 et 900 millions d’euros aux hôpitaux français. Pour couronner le tout, le moral des Français serait au plus bas. Peut-être n’est-ce pas surprenant ? Ne faudrait-il pas responsabiliser davantage les citoyens ? Faut-il déduire de ces propos compatissants, voire condescendants à notre égard, que le moral des Suisses serait au beau fixe ?

Chez nos voisins français, les autorités sont accusées d’avoir pratiqué peu de tests. Le pays se classe en trentième position parmi les trente-cinq pays étudiés par l’OCDE. (…) Pour tous les pays, il est désormais vital de démultiplier la capacité de test pour affronter le déconfinement.

Emmanuel Macron nous rappelle souvent que la France est devenue un des pays qui teste le plus au monde. J’espère que c’est vrai.


Mercredi 29 avril

D. P. se montre sceptique sur l’efficacité du remdésivir, antiviral dont le laboratoire Gilead vante l’efficacité, sous les applaudissements de Donald Trump. Je rappelle que nous avons appris récemment que, selon l’essai mené par l’OMS, le remdesivir s’est révélé aussi inefficace que l’hydroxychloroquine.

D. P. se montre tout aussi sceptique sur l’étude publiée par Christian Drosten tendant à prouver que les enfants seraient aussi contagieux que les adultes, ce qui va à l’encontre des autres études et des constatations faites en Suisse.


Jeudi 30 avril

Grâce à de savants calculs que je vous épargne, D. P. établit deux classements de douze pays européens. La première liste permet de classer les pays en fonction de la flambée initiale. Les trois premiers les moins touchés au départ sont l’Allemagne, le Danemark et le Portugal. Les trois pays les plus impactés sont l’Espagne (12ème), l’Italie (11ème) et la Belgique (10ème). La Suisse est 7ème, suivie par la France, 8ème. D. P. résume cette situation avec une comparaison parlante : comme avec un incendie, plus le feu part tôt et fort, plus il est difficile de l’arrêter.

D. P. réactualise son classement au bout d’un mois, alors que le confinement commence à porter ses fruits sur la mortalité, en comparant le facteur multiplicatif du nombre de victimes. Des pays descendent dans le classement, ce qui indique qu’ils ont été moins performants que d’autres dans la gestion initiale de la crise. La France passe ainsi du 8ème au 10ème rang, la Belgique du 10ème au 11ème, et le Royaume-Uni de la 6ème à la dernière place. La Suisse gagne une place, et l’Autriche passe de la 4ème place à celle de champion d’Europe.

D. P. conclut de mois d’avril avec deux règles d’or :

1) Ne se fier qu’aux données scientifiques avérées.

2) Agir au plus vite, sans crainte d’agir pour rien.

Il rappelle que la Chine a franchi la barre de 1 mort par million d’habitants le 13 février. C’était le seuil de non-retour pour la planète.







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